Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 3.djvu/602

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pliquer aux choses comme si elle était aussi la leur, pour que tôt ou tard l’identité des deux raisons, la mienne et celle du monde, m’apparaisse.

Au lieu de m’enfermer dans un prétendu moi pur, tout à fait inane, je me place donc en plein monde, et, cherchant le mètre dont j’ai besoin, je me demande : Quelle est la faculté qui me distingue plus expressément des autres êtres, en vertu de laquelle je deviens spécifiquement moi, c’est-à-dire homme ? J’ai besoin tout d’abord de le savoir, puisque, devant partir de moi homme pour aller à la reconnaissance de l’univers, me prenant moi-même pour mesure et raison des choses, c’est ce qui me fait homme que je dois d’abord connaître.

Ce qui excelle en moi, qui me distingue au plus haut degré, et me pose avec le plus d’énergie comme homme, n’est pas l’intelligence, ni l’amour, ni la liberté ; c’est la Justice. C’est donc la Justice que je prendrai pour instrument de mes recherches, pivot de ma philosophie, principe et fin de mon être, mot de cette grande énigme que j’appelle l’univers.

La Justice se pose officiellement dans l’état et les institutions civiles : là, si la science est ardue, du moins elle ne sort guère de la subjectivité ; comme elle est toute de l’homme, elle ne soulève pas de difficulté à l’égard des choses, qui, loin de lui faire obstacle, lui viendront plutôt en aide.

Le premier pas du moi vers le non-moi a lieu lorsque le moi vient à considérer ce qui se passe en lui comme la manifestation d’un non-moi, et en fait l’objet de sa recherche. Or, quel est le produit instinctif et spontané du moi, qui le fait apparaître à ses propres yeux comme un non-moi ? C’est, entre autres, la religion. Qu’est-ce que la religion ? Une allégorie de la Justice. La Justice donc pouvait seule nous révéler le sens de cette poésie reli-