si la cause qui fait grandir ou déchoir la Justice n’influe pas, par ce développement ou cette déchéance, sur le corps et sur l’âme, de manière à modifier l’espèce, tantôt à son avantage, tantôt à son détriment, dans toutes ses puissances et manifestations, et à rendre le Progrès, que nous avons d’abord cherché exclusivement dans la Justice, commun à toutes les facultés de l’homme.
Je n’hésite point à me prononcer pour l’affirmative.
La marche de la Liberté ne peut s’arrêter devant aucun organisme, reconnaître rien de fatal et de supérieur, qui l’oblige à se détourner comme le pilote devant un écueil. La Liberté, en faisant avancer le droit, agrandit tout dans notre être ; elle ajoute à la qualité de la raison, de l’imagination, de la conscience, à la qualité même du tempérament.
Il y a pour l’homme deux manières de couler son existence : suivant qu’il s’abandonnera la direction de la sensibilité, n’ayant de vertu que ce qu’il en faut pour éviter les maladies et s’épargner de méchantes affaires ; ou selon qu’il se place sous la haute et constante influence de la Justice.
La première n’est autre que l’évolution animale, représentée par la courbe des âges : enfance, adolescence, jeunesse, virilité, maturité, déclin, vieillesse, sénilité, décrépitude. À chaque époque correspondent des qualités particulières : à l’enfance la naïveté et la gentillesse ; à la jeunesse, la générosité ; à la virilité, le courage ; à la maturité, l’ambition ; à la vieillesse, l’avarice, la dureté ; à la décrépitude, l’imbécillité.
Dans l’impossibilité d’échapper à la mort et de conserver une jeunesse éternelle, que ne donnerait-on pas du moins pour garder, sur l’arrière-saison, les facultés généreuses de la jeunesse, la raison de l’âge mûr, et se soustraire aux instincts ignobles, malfaisants, du retour ?