Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/274

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de classes, bourgeoisie et peuple. C’est une conséquence fatale de l’antagonisme des intérêts, qu’ils travaillent de concert à la concentration du pouvoir. La Belgique, citée tout à l’heure par M. Fr. Morin, en est un triste exemple[1].


Gardons-nous donc, s’il vous plaît, de prendre pour une forme de sociabilité ce qui n’est qu’un phénomène de dé-

  1. L’abolition des octrois en Belgique pouvait être une mesure d’économie publique à la fois utile et libérale : toute la difficulté était de remplacer le revenu des octrois par un autre système de contribution. Ce soin regardait spécialement les villes, à chacune desquelles il appartenait de déterminer, au mieux de ses intérêts, ses voies et moyens. Le gouvernement et les Chambres ne devaient intervenir que pour homologuer les décisions prises par les communes. En général, le mode le plus simple était de remplacer l’octroi par une taxe locative. Mais il eût fallu exempter de la taxe toute la population pauvre ; et la classe bourgeoise, alléchée par le ministre, a mieux aimé risquer, pour ne pas dire sacrifier, ses libertés municipales, et rejeter le fardeau sur la masse entière du pays. C’est ainsi que le budget des soixante-dix-huit communes les plus considérables de la Belgique est devenu un chapitre du budget de l’État. La bourgeoisie belge peut se vanter d’avoir vendu son droit d’ainesse pour un plat de lentilles, — et M. Frère Orban d’avoir accompli le plus grand acte de corruption des temps modernes. Désormais, en Belgique, les conseils municipaux ne sont plus que des succursales du ministère de l’intérieur.
    …...En Angleterre, le mouvement centralisateur est moins rapide qu’en Belgique cela tient à l’existence d’une aristocratie et au régime de la propriété. M. Fr. Morin voudrait-il, pour réaliser son accord de la décentralisation avec l’Unité, nous ramener au droit d’aînesse et au système féodal ?
    …...En Prusse, il existe aussi une noblesse, véritable remora de la bourgeoisie et de la démocratie prussiennes, dernier obstacle au développement des libertés et de l’unitarisme constitutionnels. Supprimez cette noblesse, abolissez tout ce qui reste en Prusse de coutumes féodales, et, selon que la bourgeoisie ou la démocratie sera prépondérante, vous aurez l’empire plébéïen ou la royauté bourgeoise, aussi unitaires du reste l’un que l’autre.