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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

il est toujours possible d’avoir raison du sophisme par la logique et l’expérience, et la démonstration acquiert force de chose jugée. Les œuvres de l’art ne s’apprécient pas seulement par raison démonstrative, mais aussi par le sentiment que l’œuvre éveille dans l’âme du spectateur, sentiment qui ne peut se définir, et dont l’unique loi est qu’il ne reconnaît pas, de loi : De gustibus etcoloribus non disputandum. » (De la Justice dans la Révolution et dans l'Église, 9e étude ; édition de Bruxelles.)

On peut juger par cette citation que les principes que je professe aujourd’hui en fait d’art, je les professais déjà en 1858, et qu’il n’ont pas été inventés pour le besoin de la thèse. Il y a dans toute œuvre d’art deux choses qui, selon moi, doivent toujours marcher de front, la raison et le goût. Supprimez une de ces deux choses, l’art disparaît. Sans une raison, je dirai même sans une philosophie profonde, que cette raison soit intuitive ou réfléchie, peu importe, l’œuvre d’art se réduit à néant ; il n’y a rien qui soit de plus mauvais goût, qui choque davantage notre sentiment esthétique, que l’absurde. Mais réciproquement, sans une certaine puissance d’idéal, l’art, avec toute la raison du monde, n’est plus que delà science, voire du métier ; et comme la science et l’industrie ne se produisent pas sous cette forme, que ce serait du travail en pure perte, l’art savant, dépourvu de goût et d’idéal, c’est encore de l’absurde.