Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
111
ÉGYPTE : ART TYPIQUE

de 1838 ?... Aussi étais-je toujours seul à contempler le Léonidas.

Puis, m’abandonnant de plus en plus au fil de mes idées, je me disais encore qu’il était fâcheux que les artistes grecs, contemporains de la guerre médique, moins occupés de temples, de processions, de sacrifices, moins dévots à leurs dieux et plus reconnaissants envers leurs citoyens, ne nous eussent pas laissé, sur le marbre ou la toile, une représentation de la défense des Thermopyles ; qu’un pareil tableau nous intéresserait aujourd’hui bien autrement que celui de David ; qu’on y retrouverait du moins la vérité de l’époque, du pays, des costumes et des figures ; que le sentiment patriotique n’y aurait sans doute rien perdu, et l’art pas davantage. Il est vrai que dans l’esprit de la religion et des mœurs grecques, cette apothéose des trois cents Spartiates par la peinture ou la statuaire aurait semblé une injure aux dieux, à qui seuls devait être attribuée la victoire ; on aurait craint, après avoir obtenu leur protection, d’attirer leur courroux. Raison de plus pour qu’un artiste du dix-neuvième siècle ne se chargeât pas de conférer aux compagnons de Léonidas cette solennelle immortalité. Au lieu de réparer un oubli des Grecs, il manquait une fois de plus à l’histoire. Diral-on pour excuse que ce ne sont ni Léonidas et ses Spartiates, ni les Grecs et les Perses qu’il faut voir dans cette grande composition : que c’est l’enthousiasme