Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
127
ÉGYPTE : ART TYPIQUE

pleurs. » A la bonne heure : Delacroix est une doublure de lord Byron, de Lamartine, de Y. Hugo, de G. Sand ; l’illustrateur de Gœthe et de Shakespeare. Mais que me font à moi tous ces déclamateurs et ces pleurards ? Que m’importe que M. Delacroix se soit fait une autre manière de peindre que M. Ingres, si c’est toujours le. même monde qu’il représente, les mêmes figures qu’il fait grimacer ? A quoi, bon Dieu ! tout ce barbouillage peut-il me servir ? Suis-je même sûr qu’un artiste qui passe les trois quarts de sa vie à regarder dans son imagination les figures de Jacob, de Sardanapale, de Marc Aurèle, celle de Lazare ou de Méphistophélès, aura bien vu les personnes vivantes qu’il aura observées dans les circonstances les plus intéressantes de leur vie ? Certes, une Noce juive au Maroc a de quoi me plaire ; les Insurgés m’attirent encore davantage ; le Boissy d’Anglas encore plus. Je me méfie déjà du Massacre de Scio. Mais, encore une fois, cet homme qui voit au delà des siècles, qui fréquente le monde invisible, qui habite le surnaturel, qui fait poser devant lui les héros de Shakespeare, est-il capable de bien observer et de comprendre ce qui se passe autour de lui ? Comprend-il mon idée, sent-il mon idéal, saisit-il mon impression, à moi profane, qu’il s’agit surtout d’intéresser, d’émouvoir, et dont on sollicite le suffrage ? Les quatre cinquièmes de l’œuvre de Delacroix sont niaiserie pure : l’autre cinquième reste douteux et sus-