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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

là comme pour celles-ci, il choisissait la plus jolie ligure de femme qu’il pouvait trouver, pensant honorer la maternité divine, de la même manière qu’il rendait hommage à la Volupté. Le pauvre homme, avec son idéal grec dans l’esprit, n’eût su imaginer rien de mieux. Le tort était au czar Nicolas, qui avait fait la commande. Quelle idée, au dix-neuvième siècle, de demander à un zélateur de la forme, à un idolâtre, un tableau de la vierge Marie faisant, à cinquante ans, sa première communion ! Moi aussi j’ai pensé alors que la Madone de M. Ingres était à croquer. Parbleu ! c’est le seul éloge que j’en ai entendu faire. Mais je dis aujourd’hui qu’une pareille oeuvre est tout ce que l’on peut imaginer de plus absurde ; que ce n’est pas là de la peinture, ni chrétienne, ni grecque ; qu’il s’est moqué du czar en lui envoyant cette jésuitique mascarade ; que si les vierges de Raphaël, bien supérieures à celle de M. Ingres, ont pu se faire accepter dans un siècle à la fois épicurien et bigot, elles ne sauraient plus se souffrir aujourd’hui ; et qu’à tous les points de vue, au point de vue de la piété chrétienne, comme à celui de l’art, comme à celui de la morale, ces lubriques mysticités sont tout simplement dignes du feu.

Un seul tableau comme le Naufrage de la Méduse, de Géricault, venant un quart de siècle après le Marat expirant, de David, rachète toute une galerie de ma-