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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

unique, éternel, immatériel, incommensurable, invisible, absolu. La conception métaphysique de Dieu excluant donc l’hypothèse d’un corps de Dieu, et conséquemment d’une forme divine, l’idée de la divinité et son idéal chez le croyant monothéiste se confondent. Parvenue à cette hauteur, la religion rejette toute espèce d’idole ; elle est fatalement iconoclaste. Dans cet ordre de sentiments et d’idées, le prestige de l’art est donc en sens inverse du dogme : à un moment donné, Jupiter foudroyant paraît ridicule ; Vénus Uranie elle-même, la déesse de la beauté, est laide comme le péché. Dès lors l’artiste est primé par le théologien ; bon gré mal gré, s’il veut travailler pour le culte, il faut qu’il prenne l’attache de celui qui le gouverne.

Même chose pour la justice. De quoi peuvent servir aujourd’hui, pour le progrès du droit et des lois, toutes les excitations de l’art plastique, ou d’une poétique mythologie ? Autrefois la loi morale avait son principe en Dieu, dont la grâce faisait toute notre vertu, donnait à notre volonté le pouvoir et le faire. L’amour de Dieu, la crainte de ses jugements, l’espoir de ses récompenses faisaient la base de notre moralité : sujet immense de poésie et d’art. Maintenant nous avons la prétention de posséder la justice de notre propre fonds, de la suivre pour elle-même et coûte que coûte, sans nul espoir de dédommagement, sans crainte d’âme qui vive, ni au ciel, ni sur terre, ni sous terre. Tout motif