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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

pour une œuvre d’art. Mais arrêtez-vous un instant sur ce réalisme aux apparences vulgaires, et vous sentirez bientôt que sous cette vulgarité se cache une profondeur d’observation qui est, selon moi, le vrai point de l’art. Il en est de la simplicité des grands peintres comme de celle des grands écrivains : rien de plus facile au premier coup d’œil ; il n’y a qu’à parler comme tout le monde ; essayez-en, et vous verrez, comme dit la chanson, si vous réussirez.

La scène se passe vers 1830, peu avant, peu après, sous la charte constitutionnelle, trente ans au moins après la première Révolution. Sur le premier plan, un homme se présente en habit long, culotte courte, chapeau tricorne, son parapluie de coton sous le bras, sa pipe à la bouche, chassant devant lui un jeune porc destiné à l’engraissement. Plus loin sont deux paysans en blouse, montés sur des chevaux qu’ils ramènent aussi du marché, l’un d’âge mûr, au maintien grave, l’autre jeune homme, le visage tourné vers une jeune fille qui suit par derrière avec le reste de la compagnie. D’autres conduisent des bœufs, etc. ; je néglige ces détails. Tout cela n’a rien de fort intéressant, et, avec nos habitudes de tableaux d’église, d’histoire ancienne, de drame shakespearien ou de mythologie grecque, on se demande si c’est une enseigne d’auberge qu’on a devant les yeux, ou un tableau destiné à la halle. Il n’a pas fallu, se dit-on, un