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PAR LES ESSAIS DE M. COURBET

marche est à rebours de l’histoire ? De la sorte, les derniers venus en peinture seraient les plus mauvais. A quoi bon alors les encouragements et les récompenses ? Laissons aller les choses, si mieux n’aimons suivre le conseil de Platon et de Rousseau, et frapper ce soi-disant monde de l’art, tourbe de parasites et de corrompus, d’ostracisme.

Et, en effet, si les novateurs en fait d’art, de même qu’en matière de religion et de politique, doivent être condamnés, ce n’est pas le seul Courbet qu’il faut proscrire, c’est tout le monde. Chose certaine, depuis que l’art est devenu une profession, une espèce d’industrie, une spécialité dans la société, soit instinct, soit imitation de ce qui se passait autour de lui, il a constamment tourné le dos à sa tradition. L’école hollandaise rompt avec l’italienne ; celle-ci a répudié le moyen âge, qui, de son côté, avait énergiquement protesté contre le paganisme. Parmi les Grecs et les Romains eux-mêmes, l’école qui produisit le Laocoon et le Gladiateur n’est plus la même que celle qui faisait Hercule au repos ou Apollon vainqueur du serpent. Entre ces deux écoles, il y a la même distance qu’entre MM. Ingres et Delacroix. On a beaucoup reproché à M. Courbet de n’avoir pas su formuler son système ; mais quelle est donc l’école d’art qui ait jamais su ce qu’elle faisait, ce qu’elle pensait, en vertu de quel principe elle marchait, elle agissait ? Cette ignorance de soi et de sa des-