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ÉVOLUTION HISTORIQUE

peut trouver fort plausible, mais qui ne regarde réellement point l’artiste. La Muse, faculté universelle, souffle divin, incoercible, rebelle à l’analyse comme à la discipline, visite tantôt celui-ci, tantôt celui-là ; c’est elle qui dit à chacun : Tu seras artiste ! Heureux le prédestiné qu’elle couvre de ses ailes 1 il enlèvera l’admiration des hommes et conquerra l’immortalité. Mais c’est en vain qu’il essayerait de retenir, par les chaînes de la méditation, l’esprit céleste ; c’est en vain qu’il voudrait lui commander au nom d’une théorie : la dialectique le fera fuir, et pour jamais. Le plus ignorant des hommes peut avoir une inspiration heureuse ; le téméraire qui, par la philosophie, par la critique, par la raison pure, croit s’en emparer, n’y arrivera jamais.

Cette exclusion de la science du domaine de l’art s’étend à la morale. - L’art existe par lui-même, disent-ils encore ; il est indépendant des notions de justice et de vertu ; c’est la liberté dans son absolutisme. Sans doute, et nous ne le nions pas, ce qui est moral est digne de toute louange, et ce qui est criminel digne de réprobation. Nous n’avons jamais prétendu que l’art puisse changer la nature et la qualité des choses, faire du crime une vertu, rendre moralement bon ce qui est moralement mauvais. Nous disons que l’art, en tant qu’art, est affranchi de toute considération morale comme de toute étude philosophique ;