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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

Imaginez, s’il est possible, la volupté d’Épicure ou le quiétisme de Fénelon servis par les figures du moyen âge. Les croyances étaient ébranlées, Jean Huss et Luther le prouvèrent de reste ; l’art tenait toujours : on ne pouvait cette fois l’accuser d’avoir corrompu lés mœurs. Pour en finir, il ne fallait pas moins que cette* exhumation de l’antiquité, un art vampire tombé sur l’Europe en même temps que la syphilis, qui ne disparaîtra qu’avec lui.

Les artistes de la Renaissance, d’un talent prodigieux tant qu’on voudra, mais ne servant plus ni un principe ni une institution, n’obéissant qu’à la fantaisie, disons mieux, à l’hypocrisie d’une société sans religion et sans morale, devenus de simples contrefacteurs, se hâtent de refaire un empyrée que n’attristent plus les malingres et les rechignés du moyen âge. Mélange de paganisme et de spiritualité, leur art aboutit, comme celui des Grecs, au culte idolâtrique de la forme. Les Vierge de Raphaël, si elles ne sont pas filles de Vénus, sont encore moins filles de la componction ; l’air de spiritualité qui règne sur leur visage jure avec leur beauté, avec leur taille, leurs mains, leurs bras et leur gorge de nymphes. Moins divines, plus humaines que les déesses de l’Olympe, elles inspirent un sentiment

moins pur que celui qu’on ressent à la vue d’une statue grecque. La Vénus de Milo, toute nue, est plus chaste que la plus respectable des Madones vêtue jusqu’au