Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/106

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beaucoup augmenté ; qu’en cela consiste la vertu productrice de l’association, qui pourrait dès lors figurer au rang des forces économiques. Le travail attrayant est la formule convenue pour désigner ce résultat merveilleux de l’association. C’est tout autre chose, comme l’on voit, que le dévouement, auquel s’arrêtent si piteusement les théories de Louis Blanc et de Cabet.

J’ose dire que les deux éminents socialistes, Fourier et Pierre Leroux, ont pris leur symbolique pour une réalité. D’abord, on n’a jamais vu cette force sociétaire, cet analogue de la force collective et de la division du travail, en exercice nulle part ; les inventeurs eux-mêmes, et leurs disciples qui en ont tant parlé, sont encore à faire leur première expérience. D’autre part, la plus légère connaissance des principes de l’économie politique et de la psycologie suffit à faire comprendre qu’il ne peut y avoir rien de commun entre une excitation de l’âme, telle que la gaieté du compagnonnage, le chant de manœuvre des rameurs, etc., et une force industrielle. Ces manifestations seraient même, le plus souvent, contraires à la gravité, à la taciturnité du travail. Le travail est, avec l’amour, la fonction la plus secrète, la plus sacrée de l’homme : il se fortifie par la solitude, il se décompose par la prostitution.

Mais abstraction faite de ces considérations psychiques et de l’absence de toute donnée expérimentale, qui ne voit que ce que les deux auteurs ont cru découvrir, après tant de profondes recherches, l’un dans la Série de groupes contrastés, l’autre dans la Triade, n’est autre chose que l’expression mystique et apocalyptique de ce qui a existé de tout temps dans la pratique industrielle : la division du travail, la force collec-