Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/115

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davantage considérée comme une loi organique ; que loin d’assurer l’équilibre, elle tendrait plutôt à détruire l’harmonie, en imposant à tous, au lieu de la justice, au lieu de la responsabilité individuelle, la solidarité. Ce n’est donc plus au point de vue du droit et comme élément scientifique qu’elle peut se soutenir ; c’est comme sentiment, comme précepte mystique et d’institution divine.

Aussi les promoteurs quand même de l’association, sentant combien leur principe est stérile, antipathique à la liberté, combien peu par conséquent il peut être accepté comme formule souveraine de la Révolution, font-ils les plus incroyables efforts pour entretenir ce feu follet de la fraternité. Louis Blanc est allé jusqu’à retourner la devise républicaine, comme s’il eût voulu révolutionner la révolution. Il ne dit plus, comme tout le monde, et avec la tradition, Liberté, Égalité, Fraternité, il dit : Égalité, Fraternité, Liberté ! C’est par l’Égalité que nous commençons aujourd’hui, c’est l’Égalité que nous devons prendre pour premier terme, c’est sur elle que nous devons bâtir l’édifice nouveau de la Révolution. Quant à la Liberté, elle se déduira de la Fraternité. Louis Blanc la promet après l’association, comme les prêtres promettent le paradis après la mort.

Je laisse à penser ce que peut être un socialisme qui joue ainsi aux transpositions de mots.

L’Égalité ! J’avais toujours cru qu’elle était le fruit naturel de la Liberté, qui elle au moins n’a besoin ni de théorie ni de contrainte. J’avais cru, dis-je, que c’était à l’organisation des forces économiques, la division du travail, la concurrence, le crédit, la réciprocité ; à l’éducation surtout, de faire naître l’Égalité. Louis Blanc a changé tout cela. Nouveau Sganarelle,