Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/118

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l’origine des sociétés. La postérité ne comprendra pas qu’en un siècle novateur des écrivains, réputés les premiers pour l’intelligence des choses sociales, aient fait tant de bruit d’un principe tout à fait subjectif, dont le fond et le tréfond ont été explorés par toutes les générations du globe.

Sur une population de 36 millions d’hommes, il y en a 24 millions au moins occupés de travaux agricoles. Ceux-là, vous ne les associerez jamais. À quoi bon ? Le travail des champs n’a pas besoin de la chorégraphie sociétaire, et l’âme du paysan y répugne. Le paysan, qu’on se le rappelle, a applaudi à la répression de juin 1848, parce qu’il a vu dans cette répression un acte de la liberté contre le communisme.

Sur les 12 millions de citoyens restants, 6 au moins, fabricants, artisans, employés, fonctionnaires, pour qui l’association est sans objet, sans profit, sans attrait, préféreront toujours demeurer libres.

C’est donc six millions d’âmes, composant en partie la classe salariée, que leur condition actuelle pourrait engager dans les sociétés ouvrières, sans autre examen, et sur la foi des promesses. À ces six millions de personnes, pères, mères, enfants, vieillards, j’ose dire par avance, qu’elles ne tarderaient pas à s’affranchir de leur joug volontaire, si la Révolution ne leur fournissait des motifs plus sérieux, plus réels de s’associer, que ceux qu’elles s’imaginent apercevoir dans le principe, et dont j’ai démontré le néant.

Oui, l’association a son emploi dans l’économie des peuples ; oui, les Compagnies ouvrières, protestation contre le salariat, affirmation de la réciprocité, à ce double titre déjà si pleines d’espoir, sont appelées à jouer un rôle considérable dans notre prochain avenir. Ce rôle consistera surtout dans la gestion des grands instru-