Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/122

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seule et plus grande gloire de la philosophie, j’ai, pour la première fois, jeté dans le monde une négation qui depuis a obtenu un retentissement immense, la négation du Gouvernement et de la Propriété. D’autres, avant moi, par originalité, humorisme, recherche du paradoxe, avaient nié ces deux principes ; aucun n’avait fait de cette négation le sujet d’une critique sérieuse et de bonne foi. Un de nos plus aimables feuilletonnistes, M. Pelletan, prenant un jour, motu proprio, ma défense, n’en a pas moins fait à ses lecteurs cette singulière confidence, qu’en attaquant tantôt la propriété, tantôt le pouvoir, tantôt autre chose, je tirais des coups de fusil en l’air pour attirer sur moi l’attention des niais. M. Pelletan a été trop bon, vraiment, et je ne puis lui savoir aucun gré de son obligeance : il m’a pris pour un gent de lettres.

Il est temps que le public sache que la négation, en philosophie, en politique, en théologie, en histoire, est la condition préalable de l’affirmation. Tout progrès commence par une abolition, toute réforme s’appuie sur la dénonciation d’un abus, toute idée nouvelle repose sur l’insuffisance démontrée de l’ancienne. C’est ainsi que le christianisme, en niant la pluralité des dieux, en se faisant athée au point de vue des païens, a affirmé l’unité de Dieu, et de cette unité a déduit ensuite toute sa théologie. C’est ainsi que Luther, en niant à son tour l’autorité de l’Église, affirmait comme conséquence l’autorité de la raison, et posait la première pierre de la philosophie moderne. C’est ainsi que nos pères, les révolutionnaires de 89, en niant le régime féodal, affirmèrent, sans la comprendre, la nécessité d’un régime différent, que notre époque a pour mission de faire apparaître. C’est ainsi enfin que moi-même, après avoir de nouveau,