Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/131

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soi ; au lieu d’un protecteur, il se donnait un tyran.

L’expérience montre, en effet, que partout et toujours le Gouvernement, quelque populaire qu’il ait été à son origine, s’est rangé du côté de la classe la plus éclairée et la plus riche contre la plus pauvre et la plus nombreuse ; qu’après s’être montré quelque temps libéral, il est devenu peu à peu exceptionnel, exclusif ; enfin, qu’au lieu de soutenir la liberté et l’égalité entre tous, il a travaillé obstinément à les détruire, en vertu de son inclination naturelle au privilége.

Nous avons montré, dans une autre étude, comment, depuis 1789, la révolution n’ayant rien fondé ; la société, suivant l’expression de M. Royer-Collard, ayant été laissée en poussière ; la distribution des fortunes abandonnée au hasard : le Gouvernement, dont la mission est de protéger les propriétés comme les personnes, se trouvait, de fait, institué pour les riches contre les pauvres. Qui ne voit maintenant que cette anomalie, qu’on a pu croire un moment propre à la constitution politique de notre pays, est commune à tous les gouvernements ? À aucune époque on n’a vu la propriété dépendre exclusivement du travail ; à aucune époque, le travail n’a été garanti par l’équilibre des forces économiques : sous ce rapport, la civilisation au dix-neuvième siècle n’est pas plus avancée que la barbarie des premiers âges. L’autorité, défendant des droits tellement quellement établis, protégeant des intérêts tellement quellement acquis, a donc toujours été pour la richesse contre l’infortune : l’histoire des gouvernements est le martyrologe du prolétariat.

C’est surtout dans la démocratie, dernier terme de l’évolution gouvernementale, qu’il faut étudier cette inévitable défection du pouvoir à la cause populaire.

Que fait le peuple, lorsque, fatigué de ses aristo-