Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/140

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soit, il n’en est vestige dans le livre de Rousseau. Pour donner une idée exacte de sa théorie ; je ne saurais mieux la comparer qu’à un traité de commerce, dans lequel auraient été supprimés les noms des parties, l’objet de la convention, la nature et l’importance des valeurs, produits et services pour lesquels on devait traiter ; les conditions de qualité, livraison, prix, remboursement, tout ce qui fait, en un mot, la matière des contrats, et où l’on ne se serait occupé que de pénalités et juridictions.

En vérité, citoyen de Genève, vous parlez d’or. Mais, avant de m’entretenir du souverain et du prince, des gendarmes et du juge, dites-moi donc un peu de quoi je traite ? Quoi ! vous me faites signer un acte en vertu duquel je puis être poursuivi pour mille contraventions à la police urbaine, rurale, fluviale, forestière, etc. ; me voir traduit devant des tribunaux, jugé, condamné pour dommage, escroquerie, maraude, vol, banqueroute, dévastation, désobéissance aux lois de l’État, offense à la morale publique, vagabondage ; et dans cet acte, je ne trouve pas un mot, ni de mes droits, ni de mes obligations ; je ne vois que des peines !

Mais toute pénalité suppose un devoir, sans doute, tout devoir répond à un droit. Eh bien, où sont, dans votre contrat, mes droits et mes devoirs ? Qu’ai-je promis à mes concitoyens ? que m’ont-ils promis à moi-même ? Faites-le voir : sans cela votre pénalité est excès de pouvoir ; votre état juridique, flagrante usurpation ; votre police, vos jugements et vos exécutions, autant d’actes abusifs. Vous qui avez si bien nié la propriété, qui avez accusé avec tant d’éloquence l’inégalité des conditions parmi les hommes, quelle condition, quel héritage m’avez-vous fait dans votre république, pour que vous vous croyiez en droit de me