Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/158

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préjudice, ni dans sa propriété, ni dans son travail, ni dans son revenu, ni dans ses rapports d’intérêt, d’opinion ou d’affection avec ses semblables.

Quoi ! ces conditions vous semblent impossibles à réaliser. Le contrat social, quand vous considérez l’effrayante multitude des rapports qu’il doit régler, vous paraît ce que l’on peut imaginer de plus inextricable, quelque chose comme la quadrature du cercle et le mouvement perpétuel. C’est pour cela que de guerre lasse vous vous rejetez dans l’absolutisme, dans la force.

Considérez cependant que si le contrat social peut être résolu entre deux producteurs, — et qui doute que réduit à ces termes simples, il ne puisse recevoir de solution ? — il peut être résolu également entre des millions, puisqu’il s’agit toujours du même engagement, et que le nombre des signatures, en le rendant de plus en plus efficace, n’y ajoute pas un article. Votre raison d’impuissance ne subsiste donc pas : elle est ridicule, et vous rend inexcusables.

En tout cas, hommes de pouvoir, voici ce que vous dit le Producteur, le prolétaire, l’esclave, celui que vous aspirez à faire travailler pour vous : Je ne demande le bien ni la brasse de personne, et ne suis pas disposé à souffrir que le fruit de mon labeur devienne la proie d’un autre. Je veux aussi l’ordre, autant et plus que ceux qui le troublent par leur prétendu gouvernement ; mais je le veux comme un effet de ma volonté, une condition de mon travail, et une loi de ma raison. Je ne le subirai jamais venant d’une volonté étrangère, et m’imposant pour conditions préalables la servitude et le sacrifice.