Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/159

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2. Les lois.


Sous l’impatience des peuples et l’imminence de la révolte, le Gouvernement a dû céder ; il a promis des institutions et des lois ; il a déclaré que son plus fervent désir était que chacun pût jouir du fruit de son travail à l’ombre de sa vigne et de son figuier. C’était une nécessité de sa position. Dès lors, en effet, qu’il se présentait comme juge du droit, arbitre souverain des destinées, il ne pouvait prétendre mener les hommes suivant son bon plaisir. Roi, président, directoire, comité, assemblée populaire, n’importe, il faut au pouvoir des règles de conduite : sans cela, comment parviendra-t-il à établir parmi ses sujets une discipline ? Comment les citoyens se conformeront-ils à l’ordre, si l’ordre ne leur est pas notifié ; si, à peine notifié, il est révoqué ; s’il change d’un jour à l’autre, et d’heure à heure ?

Donc le Gouvernement devra faire des lois, c’est-à-dire s’imposer à lui-même des limites : car tout ce qui est règle pour le citoyen, devient limite pour le prince. Il fera autant de lois qu’il rencontrera d’intérêts : et puisque les intérêts sont innombrables, que les rapports naissant les uns des autres se multiplient à l’infini, que l’antagonisme est sans fin ; la législation devra fonctionner sans relâche. Les lois, les décrets, les édits, les ordonnances, les arrêtés, tomberont comme grêle sur le pauvre peuple. Au bout de quelque temps le sol politique sera couvert d’une couche de papier, que les géologues n’auront plus qu’à enregistrer, sous le nom de formation papyracée, dans les révolutions du globe. La Convention, en trois ans, un mois et quatre jours, rendit onze mille six cents lois et décrets ; la Constituante et la Législative n’avaient