Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/170

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officiers municipaux et ses juges, cela ajouterait-il un centime à son revenu ? En serait-il plus sûr, chaque soir en se couchant, d’avoir le lendemain de quoi manger, de quoi nourrir ses enfants ? Pourrait-il seulement répondre qu’on ne viendra-pas l’arrêter, le traîner en prison ?…

Je comprends que sur des questions qui ne sont pas susceptibles d’une solution régulière, pour des intérêts médiocres, des incidents sans importance, on se soumette à une décision arbitrale. De semblables transactions ont cela de moral, de consolant, qu’elles attestent dans les âmes quelque chose de supérieur même à la justice, le sentiment fraternel. Mais sur des principes, sur l’essence même des droits, sur la direction à imprimer à la société ; mais sur l’organisation des forces industrielles ; mais sur mon travail, ma subsistance, ma vie ; mais sur cette hypothèse même du Gouvernement que nous agitons, je repousse toute autorité présomptive, toute solution indirecte ; je ne reconnais point de conclave : je veux traiter directement, individuellement, pour moi-même ; le suffrage universel est à mes yeux une vraie loterie.

Le 25 février 1848, une poignée de Démocrates, après avoir chassé la Royauté, proclame à Paris la République. Ils ne prirent, pour cela, conseil que d’eux-mêmes, n’attendirent pas que le peuple, réuni en assemblées primaires, eût prononcé. L’adhésion des citoyens fut hardiment préjugée par eux. Je crois, en mon âme et conscience, qu’ils firent bien ; je crois qu’ils agirent dans la plénitude de leur droit, quoiqu’ils fussent au reste du Peuple comme 1 est à 1,000. Et c’est parce que j’étais convaincu de la justice de leur œuvre que je n’ai pas hésité à m’y associer :