Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/200

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de popularité, saltimbanques de révolution, ont pris pour oracle Robespierre, l’éternel dénonciateur, à la cervelle vide, à la dent de vipère, qui, sommé d’articuler ses plans, d’indiquer ses voies et moyens, ne savait jamais que battre en retraite devant les difficultés, en accusant des difficultés ceux-là mêmes qui lui demandaient des solutions. Ce rhéteur pusillanime, qui en 90, de peur de se brouiller avec la cour, désavouait une plaisanterie tombée de ses lèvres et rapportée par Desmoulins ; qui en 91 s’opposait à la déclaration de déchéance de Louis XVI et blâmait la pétition du Champ-de-Mars ; qui en 92 repoussait la déclaration de guerre, parce qu’elle eût donné trop de considération aux Girondins ; qui en 93 combattait la levée en masse ; qui en 94 recommandait au Peuple, en tout et partout, de s’abstenir ; qui toujours contrecarrait, sans les entendre, les plans de Cambon, de Carnoy, de tous ceux qu’il appelait dédaigneusement les gens d’expédition, ce calomniateur infatigable de tous les personnages qu’il enviait et pillait, devait servir, cinquante ans plus tard, de patron à tous les révolutionnaires ahuris, servant leur cause comme ces chevaux boiteux qu’on attache derrière la voiture servent à la tirer. Dites-nous donc une fois, ô vous tous disciples du grand Robespierre, comment vous comprenez la Révolution ? Vos voies et moyens ?

Hélas ! on n’est jamais trahi que par les siens. En 1848, comme en 1793, la Révolution eut pour enrayeurs ceux-là mêmes qui la représentaient. Notre républicanisme n’est toujours, comme le vieux jacobinisme, qu’une humeur bourgeoise, sans principe et sans plan, qui veut et ne veut pas ; qui toujours gronde, soupçonne, et n’en est pas moins dupe ; qui ne voit partout, hors de la coterie, que factieux et anar-