Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/321

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surveillance, l’estimation ou appréciation, le contrôle, la censure, la réformation, le redressement, enfin la correction ou punition.

» Comme pourvoyant aux besoins du service public, le préfet agit tantôt comme revêtu d’une autorité de tutelle ; tantôt comme revêtu d’un commandement ; tantôt comme exerçant une juridiction. »

Chargé d’affaires du département et de l’État, officier de police judiciaire, intermédiaire, plénipotentiaire, instructeur, directeur, impulseur, inspecteur, surveillant, appréciateur, contrôleur, censeur, réformateur, redresseur, correcteur, tuteur, commandant, intendant, édile, jugeur : voilà le préfet, voilà le gouvernement ! Et l’on viendra me dire qu’un peuple soumis à une pareille régence, un peuple ainsi mené à la lisière, in chamo et freno, in baculo et virgâ, est un peuple libre ! que ce peuple comprend la liberté, qu’il est capable de la goûter et de la recevoir ! Non, non : un tel peuple est moins qu’un esclave, c’est un cheval de combat. Avant de l’affranchir, il faut l’élever à la dignité d’homme, en refaisant son entendement. Lui-même vous le dit, dans la naïveté de sa conscience : Que deviendrai-je, quand je n’aurai plus ni bride ni selle ? je ne connais pas d’autre discipline, pas d’autre état. Débrouillez-moi mes idées ; accordez mes affections ; équilibrez mes intérêts : alors je n’aurai plus besoin de maître, je pourrai me passer de cavalier !

Ainsi la société, de son propre aveu, tourne dans un cercle. Ce Gouvernement, dont elle se fait un principe recteur, n’est autre chose, elle en convient, que le supplément de sa raison. De même qu’entre l’inspiration de sa conscience et la tyrannie de ses instincts, l’homme s’est donné un modérateur mystique, qui a été le prêtre ; de même encore qu’entre sa liberté et la