Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vider les différends entre nations par les voies de la force ? L’empereur Napoléon III a témoigné, dans la dernière campagne, d’une grande sollicitude pour les blessés, français et autrichiens. Je l’en louerais davantage, si j’apprenais qu’il emploie son autorité sur l’armée et son crédit auprès des puissances pour faire abandonner l’usage des balles coniques et à ressort. Je ne sais plus quel roi de France fit assurer une pension à l’inventeur d’une machine infernale, à condition qu’il ne communiquerait son secret à personne. « Nous avons assez de moyens de nous détruire, disait-il ; je ne veux pas ouvrir de concours pour cet objet. » L’exemple est bon à suivre : il témoigne, chez un prince ambitieux, — les rois de France le furent tous, — d’un véritable sentiment du droit de la guerre et du droit des gens.

C'est surtout depuis l'invention de la poudre que les idées se sont perverties sur la nature et le droit de la guerre, notamment en ce qui concerne le règlement des armes. On a prétendu que l'emploi du canon avait démocratisé le métier de soldat et porté à la noblesse un coup sensible, en neutralisant la cavalerie et en amoindrissant l'avantage de la bravoure personnelle. J'aimerais mieux, je l'avoue, que le tiers état eut appris à opposer cavalerie à cavalerie, au risque de voir la féodalité durer cent ans de plus.

D'autres, soi-disant amis de l'humanité, se félicitent de voir les armes et machines de guerre suivre les progrès de l'industrie et devenir de plus en plus meurtrières. La guerre finira, disent-ils, par l'excès même de sa puissance destructive. Ils ne voient pas que cette manière de mettre fin à la guerre aboutit tout juste à la désorganisation politique et sociale. Quand les armes seront telles que le nombre et la discipline, aussi bien que le courage, ne seront plus de rien à la guerre, adieu le règne des majorités,