Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/44

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pouilles, considérées, non plus comme conséquence, mais comme cause et objet de la guerre. Pour le moment, je me contente d’une simple remarque. Un honnête homme est attaqué au coin d’un bois par un malfaiteur et le tue. Que fera-t-il après ? Il préviendra la justice, afin qu’on relève le cadavre et qu’on informe. Il se gardera de le dépouiller ; il croirait, avec raison, se déshonorer. Je ne parle pas du duel, où la plus extrême décence est imposée au vainqueur à l’égard du mort. Or, il s’agit ici, non de la destruction d’une bande de brigands, avec lesquels on ne garde pas de mesure ; non pas même d’une satisfaction d’honneur, sans aucune conséquence intéressée ; mais d’un débat pour la souveraineté politique à vider entre deux nations par les voies de la force. Et le résultat d’un tel débat, la conclusion adjugée à la victoire, serait le pillage !…

Plus on agite cette matière, à peine effleurée, de la guerre, plus on est étonné de l’énormité des sophismes, des contradictions et des couardises de raisonnement qui y pullulent. Il est permis, ce nous dit-on, de surprendre l’ennemi, de se glisser dans un poste, dans un fort, et de massacrer la garnison sans lui laisser le temps de se mettre en garde ; d’aller en rampant, jusque dans sa tente, frapper le général ennemi. À ce propos, Grotius cite les exemples de Mucius Scévola, d’Aod et d’une foule d’autres. D’après ce principe, le jeune homme qui à Schœnbrünn tenta d’assassiner Napoléon était dans le droit, tandis que Napoléon, qui le fit passer devant un conseil de guerre et fusiller, violait le droit. Donc, faudrait-il conclure, il sera permis de mettre à prix la tête de celui qu’on regarde comme l’auteur ou le conducteur de la guerre, comme fit le roi d’Espagne Philippe II à l’égard de Guillaume le Taciturne, et de le faire assassiner ? Ici Grotius recule : « Non, dit-il, l’intérêt commun des princes