Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/56

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D’après les principes développés au livre II, la guerre étant une lutte de nation à nation dans un intérêt d’État, il s’ensuit, à priori, que tous les sujets de l’État, tous les membres de la cité, sans exception, doivent y prendre part. La jeunesse et tous les hommes qui n’ont pas atteint l’âge caduc forment l’armée ; les vieillards, les enfants et les femmes sont employés aux ateliers, magasins, ambulances, travaillent aux fortifications et aux retranchements. La perte d’un œil, d’une jambe, d’un bras ; la surdité, la myopie, le défaut de taille, les faiblesses de complexion, les fonctions d’un certain ordre, ne sont pas des causes suffisantes de libération du service. La Convention était dans le vrai sens de la loi de la guerre, lorsqu’elle décréta la levée en masse et déclara la patrie en danger. Aussi la République fut victorieuse. On ne triomphe pas d’une nation armée comme était alors la France. Maintenant il y a le tirage au sort, les conseils de révision, traînant à leur suite les exemptions de toute espèce et les remplacements. Comme image de la nation armée, on a conservé la garde nationale, tantôt organisée au grand complet, tantôt réduite à son minimum d’expression, selon l’esprit et les tendances des gouvernements, dans tous les cas, ridicule par sa lourdeur et son inutilité.

Les résultats de ce système sont connus. La guerre, abandonnée aux soins du gouvernement, n’intéressant la nation que d’une manière indirecte et à titre d’impôt, est devenue, pour les militaires gradés, fils de bourgeois la plupart, une carrière ; pour les autres, ouvriers et paysans, une perte d’état. Sous prétexte d’assurer la défense nationale par la force de l’armée, on choisit dans la jeunesse travailleuse ce qu’il y a de plus beau, de plus fort et de meilleur pour en faire la matière première d’une armée, qu’on s’étudie ensuite a séparer du peuple ; la