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créer un beaucoup plus grand nombre. Par cela même, toute révolution a pour adversaires naturels les intérêts qu’elle inquiète, comme elle a pour partisans ceux qu’elle soigne.

D’après cette loi, d’expérience historique et de sens commun, la République, chargée des destinées de la Révolution, allait donc avoir pour ennemis tous les représentants des intérêts qu’elle menaçait, ennemis d’autant plus implacables qu’ils auraient vu le péril de plus près, et que la Révolution, trompée dans son attente, se débattrait avec plus de rage contre l’abstention dont on lui faisait une loi. Qui tient tient, badin qui demande ! La Révolution n’ayant rien pris, il ne lui serait rien accordé. Une coalition se forma, contre la démocratie, de tout ce qui, à tort ou à raison, avait eu peur : propriétaires, manufacturiers, le commerce, la Banque, le clergé, le paysan, les corps constitués, les états-majors, les deux tiers du pays, enfin. Le 15 mai, le 24 juin, la démocratie révolutionnaire essaye de reprendre le commandement : on lui oppose sa propre loi, le suffrage universel ; elle est terrassée. Alors le duel se transporte sur le terrain de la nouvelle Constitution : mais cette Constitution, hélas ! quelle qu’elle fût, c’était le gage de la retraite des démocrates.

Pour moi, je ne m’en cache pas. J’ai poussé de toutes mes forces à la désorganisation politique, non par impatience révolutionnaire, non par amour d’une vaine célébrité, non par ambition, envie ou haine ; mais par la prévoyance d’une réaction inévitable, et, en tout cas, par la certitude où j’étais que dans l’hypothèse gouvernementale où elle per-