Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 67 —

établir leur indépendance, se séparer de la politique présidentielle, etc. Ces apologies récriminatoires étaient, dans la circonstance, fort inutiles, par conséquent elles étaient une faute de plus. Les démocrates, suivant leur habitude, par excès de scrupules, se perdaient. En politique, alors surtout qu’on opère sur l’intelligence bornée des masses, alors que les questions multiples et complexes tendent à se résumer en une formule simple, il n’y a que les faits qui comptent, le mérite des individualités est zéro. La Montagne tombait dans le piège où s’était prise la majorité. Au lieu de faire une opposition toute personnelle à Louis Bonaparte, elle n’avait qu’à se taire, et se tenir prête à partager avec lui le fruit de la victoire. Ne valait-il pas mieux, je raisonne ici, comme Thémistocle ou Machiavel, au point de vue de l’utile, que Michel (de Bourges) fût ministre d’état ou président du conseil le 4 décembre, que d’aller à Bruxelles, dans un exil sans gloire, pleurer l’erreur de l’invisible souverain ? Je sais bien que le peuple, sarcastique et goguenard, commençait à traiter les Montagnards de sénateurs, et qu’ils ne pouvaient, sans se démentir, tolérer de si injurieuses suppositions. Leur susceptibilité sera un trait de plus de la bonhomie de notre époque. César s’inquiétait peu des plaisanteries de ses soldats. Restez chez vous, âmes vertueuses ; donnez à vos femmes et à vos enfants l’exemple quotidien de la modestie et du parfait amour ; mais ne vous mêlez pas de politique. Il faut, demandez à ceux de 93, une conscience large, que n’effarouche point à l’occasion une alliance adultère, la foi publique violée, les lois de l’huma-