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nité foulées aux pieds, la Constitution couverte d’un voile, pour faire la besogne des révolutions…

Si la pensée du 24 février fut sans comparaison plus grandiose, plus généreuse, plus élevée que la fatalité du 2 décembre, il s’en faut qu’elle portât avec elle un aussi profond enseignement. Qu’un gouvernement s’affaisse sous le dégoût public ; qu’une démocratie se montre à son début pacifique, conciliatrice, pure de violence, de mensonge et de corruption ; qu’elle pousse la délicatesse jusqu’à la minutie ; le respect des personnes, des opinions et des intérêts, jusqu’au sacrifice d’elle-même : tout cela, produit d’une civilisation déjà avancée, matière à poésie et éloquence, comme dit Horace, Ut pueris placeas et declamatio fias, très-bon à rapporter dans la Morale en action, n’a rien de grave pour l’esprit, rien de philosophique.

Mais qu’un homme, dans l’état de délabrement où était tombé Louis-Napoléon avant le 2 décembre, président en partance, n’ayant depuis son élection, absorbé qu’il était ou couvert par ses ministres, rien fait qui fît valoir sa personne, contrarié, contredit, abandonné par ses fidèles ; surveillé par tous les partis, n’ayant de recommandation que celle d’un oncle mort aux îles, il y avait de cela trente-deux ans ! que cet homme, dis je, seul et contre tous, avec des moyens connus, et l’aide de deux ou trois affidés jusqu’alors profondément obscurs, tente un coup d’état et réussisse : voilà ce qui, mieux qu’aucun événement, montre la force des situations et la logique de l’histoire. Voilà sur quoi nous devons, républicains, profondément réfléchir, et qui doit nous mettre en garde pour