Page:Proudhon - La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 70 —

est encore plus honorable que de le taire, la masse, en haut et en bas, a été complice, ici par son inaction, là par ses applaudissements, ailleurs par une coopération effective du coup d’État du 2 décembre. Je l’ai vu, et mille autres, aussi peu suspects de bonapartisme, l’ont vu aussi : ce n’est pas la force armée, c’est le peuple, indifférent ou plutôt sympathique, qui a décidé le mouvement en faveur de Bonaparte.

La bataille était gagnée avant d’être livrée. Depuis trois ans la révolution méconnue, outragée, mise en péril, appelait un chef, je veux dire par-là, non plus un écrivain, un tribun, elle en avait de reste ; mais un homme en position de la défendre. Bonaparte n’avait à répondre que ces deux mots : Me voilà ! Eh bien ! ces deux mots, il les a dits, et comme en politique les intentions ne sont rien, les actes tout ; comme depuis un mois, Bonaparte faisait acte révolutionnaire, la révolution l’a pris au mot. Elle lui a donné la victoire, sauf plus tard à compter avec lui.

Comment, direz-vous, le peuple, au lieu de crier : Vive le Roi ou Vive la Ligue, n’a-t-il pas crié : Vive moi-même ? comment, en soutenant d’une main le suffrage universel avec Bonaparte, n’a-t-il pas défendu, de l’autre, contre Bonaparte, la constitution ? — Comment ! Vous connaissez peu la multitude ; l’histoire ne vous a point initié à sa psycologie.

Rien n’est moins démocrate, au fond, que le peuple. Ses idées le ramènent toujours à l’autorité d’un seul ; et si l’antiquité et le moyen âge nous ont transmis le souvenir de quelques démocraties,