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Napoléon. Comme expression de la volonté populaire, il est le plus légitime des souverains. Et à qui vouliez-vous donc que le peuple donnât ses suffrages ? Nous l’avons entretenu, ce peuple, de 89, de 92, de 93 : il ne connaît toujours que la légende impériale. L’empire a effacé, dans sa mémoire, la république. Est-ce qu’il se souvient du comte de Mirabeau, de M. de Robespierre, de son ami Marat, du Père Duchesne ? Le peuple ne sait que deux choses, le Bon Dieu et l’Empereur, comme jadis il savait le Bon Dieu et Charlemagne. Si les mœurs du peuple se sont incontestablement adoucies depuis 89, sa raison est restée à peu près au même niveau. En vain nous avons expliqué à ce monarque imberbe les Droits de l’homme et du citoyen ; en vain nous l’avons fait jurer par cet adage, la République est au-dessus du Suffrage universel. Il prend toujours ses houseaux pour ses jambes, et il pense que le mieux battant est celui qui a le plus raison.

Comprendrons-nous, enfin, que la république ne peut avoir le même principe que la royauté, et que prendre le suffrage universel pour base du droit public, c’est affirmer implicitement la perpétuité de la monarchie ? Nous sommes réfutés par notre propre principe ; nous avons été vaincus, parce que, à la suite de Rousseau et des plus détestables rhéteurs de 93, nous n’avons pas voulu reconnaître que la monarchie était le produit, direct et presque infaillible, delà spontanéité populaire ; parce que, après avoir aboli le gouvernement par la grâce de Dieu, nous avons prétendu, à l’aide d’une autre fiction, constituer le gouvernement par la grâce du Peuple ; parce que, au lieu d’être