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la Constitution nationale et de la décadence de la féodalité, fut roi vraiment légitime, quoi qu’on ait dit ; tandis que Louis XIV et Louis XV, par qui fut interrompu le mouvement constitutionnel, et Charles X, qui essaya d’y faire obstacle, perdirent la légitimité. Henri V ! c’est la royauté française dans son impénitence finale.

Et puis, avec quoi faire et soutenir un empire ? on dit, avec l’armée. Or, sauf le respect dû au soldat, l’esprit moderne répugne à cette influence. Napoléon, qui ne fut empereur que par l’armée, qui fit manœuvrer tant de légions et avec tant de succès, l’éprouva lui-même. Ils rien veulent plus ! disait-il sur la fin de sa carrière. C’est qu’en effet, avec la meilleure volonté du monde, nous n’en pouvions plus... Maintenant les causes d’affaiblissement de l’esprit guerrier, qui chez la nation la plus belliqueuse et dans les circonstances les plus favorables eurent raison de l’Empereur, ont redoublé d’intensité ; et sans partager les illusions du Congrès de la Paix, on peut douter que Napoléon lui-même, s’il vivait de notre temps, fût autre chose qu’un Lamoricière ou un Changarnier. La France, autant et peut-être plus que le reste de l’Europe, avec ses myriades d’industries séparées, sa propriété morcelée, sa population besogneuse, vivant au jour le jour, cherchant le travail, ne pouvant un seul moment, même pour la défense des libertés publiques, se distraire de ses labeurs, la France est devenue réfractaire au métier des armes. La bourgeoisie, la classe moyenne, le peuple même, sont de moins en moins sympathiques à l’uniforme : il n’y a plus que le prêtre qui fraternise avec le soldat.