Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« J’ai pris part aux vœux de mes collègues pour la République ; j’ai déposé dans l’urne un billet bleu contre la Constitution. Je n’eusse pas compris comment, dans une circonstance aussi solennelle, et après quatre mois de discussion, je pouvais m’abstenir ; je ne comprendrais pas, après mon vote, qu’il me fût permis de ne point m’expliquer.

« J’ai voté contre la Constitution, non point par un vain esprit d’opposition, ou d’agitation révolutionnaire, parce que la Constitution renferme des choses que je voudrais ôter, ou que d’autres ne s’y trouvent pas que j’y voudrais mettre. Si de pareilles raisons pouvaient prévaloir sur l’esprit d’un représentant, il n’y aurait jamais de vote sur aucune loi.

« J’ai voté contre la Constitution, parce que c’est une Constitution.

« Ce qui fait l’essence d’une constitution, — je veux dire d’une constitution politique, il ne peut être question d’aucune autre, — c’est la division de la souveraineté, autrement dire, la séparation des pouvoirs en deux, législatif et exécutif. Là est le principe et l’essence de toute constitution politique ; hors de là, il n’y a plus de constitution, dans le sens actuel du mot, il n’y a qu’une autorité souveraine, faisant ses lois, et les exécutant par ses comités et ses ministres[1].

« Nous ne sommes point accoutumés à une telle organisation de la souveraineté ; dans mon opinion, le gouvernement républicain n’est pas autre chose.

« Je trouve donc qu’une constitution, dans une répu-

  1. Cette phrase est louche. J’aurais dû écrire : Hors de là, il n’y a plus de Constitution, dans le sens actuel du mot ; il n’y a que l’une de ces deux choses, une dictature, monarchique ou oligarchique, faisant ses lois et les exécutant par ses ministres ; ou une masse de citoyens libres, transigeant sur leurs intérêts, tantôt individuellement, tantôt en conseils, et remplissant, sans intermédiaires, toutes les charges du travail et de la société.