Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/222

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Ainsi, d’abord, il y aurait séparation complète entre le spirituel et le temporel, si celui-ci, non-seulement ne se mêlait en rien de la célébration des mystères, de l’administration des sacrements, du gouvernement des paroisses, etc. ; mais s’il n’intervenait point non plus dans la nomination des évêques. Il y aurait ensuite centralisation plus grande, et par conséquent gouvernement plus régulier, si le peuple, dans chaque paroisse, avait le droit de choisir lui-même ses curés et succursalistes, comme de n’en prendre pas du tout ; si les prêtres, dans chaque diocèse, élisaient leur évêque ; si l’assemblée des évêques ou un primat des Gaules réglaient seuls les affaires religieuses, l’enseignement de la théologie, et le culte. Par cette séparation, le clergé cesserait d’être, dans la main du pouvoir politique, un instrument de tyrannie à l’égard du peuple ; il ne conserverait pas non plus l’espoir secret de ressaisir la prépondérance politique ; et par cette application du suffrage universel, le gouvernement ecclésiastique, centralisé en soi, recevant ses inspirations du peuple, non du gouvernement ou du pape, serait en harmonie constante avec les besoins de la société, et l’état moral et intellectuel des citoyens.

Car ce n’est rien pour la centralisation d’un pays que les ministres du culte, les agents du pouvoir, comme de toute autre fonction sociale, relèvent d’un centre, si le centre lui-même ne relève originairement du peuple ; s’il est placé au-dessus du peuple, et indépendant de lui. Dans ce cas, la centralisation n’est plus centralisation ; c’est du despotisme. Là où la souveraineté du peuple est prise pour dogme, la centralisation politique n’est autre chose que le peuple lui-même centralisé en tant que force politique : soustraire l’agence centrale à l’action directe du peuple, c’est lui dénier la souveraineté, et lui donner, au lieu de centralisation, la tyrannie. Le suffrage des subordonnés est le point de départ de toute administration centrale.