Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/244

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du capital, comme l’argent lui-même avait affranchi les serfs de la glèbe.

Là est, quant à présent, l’œuvre capitale du socialisme.

Or, on ne saurait méconnaître qu’une telle innovation touche aux fondements de l’économie sociale ; que c’est là une question essentiellement organique, laquelle nécessite, par conséquent, l’intervention d’une autorité supérieure à celle de tous les gouvernements établis, l’intervention de la Raison collective, qui n’est autre que la Liberté même.

Et de même que l’or et l’argent, malgré leur prix, n’ont pas eu à l’origine cours forcé, et que l’usage s’en est établi et généralisé dans le commerce progressivement et du plein vouloir de toutes parties ; de même le nouveau système de circulation, si tant est que l’on en découvre un autre, devra s’établir spontanément, par le libre concours des citoyens, en dehors de toute instigation et coercition du pouvoir.

Ce qui revient presque à dire : Pour que la liberté existe, il faut que la liberté soit libre. Inventez, spéculez, combinez tant qu’il vous plaira, pourvu que vous n’imposiez pas au peuple vos combinaisons. La liberté, toujours la liberté, rien que la liberté, et pas de gouvernementalisme : c’est tout le catéchisme révolutionnaire.

Ce qui distingue donc, à priori, le socialisme, tel qu’on le professait à la Banque du peuple, de celui des autres écoles ; ce qui le classe à part, indépendamment de sa valeur spéculative et synthétique, c’est qu’il n’admet pour condition et moyen de réalisation que la liberté. Enté sur la tradition, d’accord avec la Constitution et les lois, pouvant s’accommoder de tous les usages, n’étant lui-même, à son point de départ, que l’application en grand d’un cas particulier de la circulation industrielle, il ne demande rien à l’État, il ne froisse aucun intérêt légitime, il ne menace aucune liberté.