Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/262

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non par l’étendue de la clientèle et du débouché, ont osé faire gorges chaudes d’un ajournement que la retraite forcée du directeur rendait nécessaire ! Se figure-t-on ce que pouvaient vingt mille producteurs, qui, sous toutes réserves pour chaque adhérent de sa liberté d’action et de sa responsabilité personnelle, centralisaient la circulation de toutes les valeurs produites par eux ou consommées ?

La Banque du peuple ne coûtait rien aux citoyens, rien à l’État. Elle pouvait un jour rendre à celui-ci un revenu de 200 millions, tandis qu’elle garantissait aux autres un débouché toujours ouvert, un travail sans fin. Il faudra bien, un peu plus tôt, un peu plus tard, appeler au secours de l’État obéré, du Pays désolé, cette féconde institution, à laquelle je défie les routiniers du commerce et de la finance de se soustraire, comme je défie les soi-disant socialistes d’y rien substituer. Mais auparavant nous aurons dépensé des centaines de millions en assistance, armement, frais de transportation, de colonisation, de répression, d’incarcération ; nous aurons essayé de toutes les chimères économiques les plus ridicules, les plus vexatoires, les plus ruineuses, bons hypothécaires, circulation fictive, emprunts à grosse usure, impôts de toute espèce, progressif, somptuaire, sur le revenu, l’hérédité, etc., pour finir par la banqueroute.

Ainsi va l’Humanité, quand elle est livrée à ses préjugés, et administrée par ses routiers et ses hâbleurs. Il faut que notre malheureux pays souffre, souffre encore, souffre toujours, pour la gloire d’une poignée de pédants ignares et la satisfaction des jésuites. Ceux qui l’épuisent ainsi et qui l’assassinent, on les appelle conservateurs ; et nous, qui, pour le préserver des plus horribles catastrophes, ne lui demandions qu’un peu de tolérance, nous sommes les ennemis de la famille et de la propriété ! Ironie !