Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/268

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naire, le peuple initiateur, le Christ des nations ! Qui donc a dit cela ?... Cette idée me mettait en fureur.

Si de la considération de l’élu je passais à celle des électeurs, je ne trouvais pas davantage de raison à leur choix. Ni les rouges, ni les blancs, ni les bleus, ni les tricolores, n’avaient de motifs de pousser avec tant d’acharnement à la chose. L’intérêt de parti, la fidélité au principe, le soin de l’avenir, commandaient à tous d’agir directement contre Louis Bonaparte. Au lieu de cela, tous, à force de se détester, semblaient s’être ligués pour lui !

Comme, à cette occasion, j’ai eu à supporter plus d’une avanie, je rapporterai ce qui se passa dans le parti démocratique. Par ceux-là, jugez des autres.

Après le vote de la Constitution, la polémique, déjà engagée entre le Peuple et les organes de la Montagne sur les questions sociales, prit un nouveau degré d’animosité au sujet de l’élection du Président. Toutes mes appréhensions se confirmaient.

Le socialisme, par cela même qu’il est une protestation contre le capital, est une protestation contre le pouvoir. Or la Montagne entendait réaliser le socialisme par le pouvoir, et, qui pis est, se servir du socialisme pour arriver au pouvoir !... C’était déjà une question fort grave, pour le parti socialiste, de savoir s’il se renfermerait dans une abstention systématique, ou si, pour se compter lui-même et connaître ses forces, il adopterait une façon de candidat, en deux mots, s’il ferait acte gouvernemental ou non. La Montagne, de sa seule autorité, avait tranché la question, en déclarant que Ledru-Rollin, contre lequel nous n’avions d’ailleurs rien à objecter, serait le candidat de la République démocratique et sociale.

Le Peuple opposa d’abord à cette décision, qu’il considérait de tous points comme contraire au socialisme, l’opinion bien connue de la Montagne elle-même sur la prési-