Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveau jaillit et l’enveloppe de tous côtés. À la tribune, un orateur puissant, Michel (de Bourges), pose à la fois la question sociale et le principe d’arbitrage, l’idée de contrat, destinée à remplacer l’idée d’Autorité. Dans ses récits révolutionnaires, le grand historien Michelet achève de dévoiler le mystère doctrinaro-jacobin, et prophétise l’avènement du peuple.

Voilà pourquoi Ledru-Rollin, qui, après avoir désavoué le socialisme, a fini par s’y rallier publiquement ; qui, après avoir répudié les théories an-archiques, s’est déclaré pour le gouvernement direct ; voilà pourquoi, dis-je, Ledru-Rollin, le tribun qui avance toujours, reste, malgré son propre parti, comme l’image vivante du progrès, et voit grandir chaque jour sa popularité. Le Peuple ne suit pas toujours l’éclaireur qui le distance ; il n’abandonne jamais le chef qui lui ouvre le chemin.

Enfin, c’est au sentiment profond, répandu parmi les masses, du caractère économique et social de la Révolution, qu’il faut attribuer ce dédain des choses gouvernementales, cet indifférentisme politique, si bien exprimé par le calme du Peuple, en présence des plus irritantes provocations. La Révolution marche, pense-t-il ; à quoi bon risquer une bataille ? L’ennemi, cerné par les bataillons invisibles des idées, sera tôt ou tard forcé de mettre bas les armes : nous vaincrons sans coup férir.

Ainsi le juste-milieu politique, sous sa forme la plus passionnée et la plus populaire, le jacobinisme, est impuissant à réaliser le juste-milieu économique ; lui-même, par la bouche de ses plus illustres représentants, proclame son incompétence.

Ainsi le suffrage universel, dans son expression la plus large, s’exerçant sans fraude, directement, avec mandat impératif, tant sur les fonctionnaires que sur les représentants, serait également inhabile à procurer un régime stable