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IV.


1789 — 1830.


ACTES DU GOUVERNEMENT.


On enseigne la morale aux enfants avec des fables : les peuples apprennent la philosophie sous les manifestations de l’histoire.

Les révolutions sont les apologues des nations.

L’histoire est une fable pantagruélique et féerique où les lois de la société nous sont enseignées dans les aventures merveilleuses d’un personnage tour à tour grotesque et sublime, digne à la fois d’amour et de pitié, que les anciens Orientaux appelaient Adam, l’Humanité. Adam est accompagné d’un bon et d’un mauvais ange : celui-ci, que j’appelle la Fantaisie, semblable à Protée, nous trompe sous mille figures, nous séduit et nous pousse au mal ; mais nous sommes constamment ramenés au bien par notre bon génie, qui est l’Expérience.

Ainsi, les événements dans lesquels la Providence se plaît à nous faire figurer à la fois comme acteurs et spectateurs, n’ayant rien de définitif, sont invrais ; ce sont des mythes en action, de grands drames qui se jouent, quelquefois pendant des siècles, sur la vaste scène du monde, pour la réfutation de nos préjugés, et la mise à néant de nos pratiques détestables. Toutes ces révolutions, dont nous avons eu depuis soixante ans l’émouvant spectacle, cette succession de dynasties, cette procession de ministères, ces mouvements insurrectionnels, ces agitations électorales, ces coalitions parlementaires, ces intrigues diplomatiques, tant de bruit et tant de fumée, tout cela, dis-je, n’a eu d’autre but que de faire connaître à notre nation ébahie cette vérité élémentaire et toujours paradoxale, que ce n’est point par leurs