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gouvernements que les peuples se sauvent, mais qu’ils se perdent. Voilà plus d’un demi-siècle que nous regardons, sans y rien comprendre, cette comédie divine et humaine : il est temps qu’un peu de philosophie vienne nous en donner l’interprétation.

Le pouvoir durait en France depuis quatorze siècles. Depuis quatorze siècles il avait été témoin des efforts du tiers état pour constituer la commune et fonder la liberté. Lui-même avait quelquefois pris part au mouvement, en abattant la féodalité, et créant, par le despotisme, l’unité nationale. Même il avait reconnu, à diverses reprises, le droit imprescriptible du peuple, en convoquant, pour le besoin de son trésor, les états généraux. Mais il n’avait considéré qu’avec terreur ces assemblées où parlait une voix qui, par moments, n’avait plus rien de divin, une voix qui était toute Raison, la voix, la grande voix du peuple. Le moment était venu d’achever cette grande Révolution. Le pays la réclamait avec empire ; le gouvernement ne pouvait prétexter d’ignorance, il fallait s’exécuter ou périr.

Mais, est-ce donc que le pouvoir raisonne ? est-ce qu’il est capable de considérer le fait et le droit ? est-ce qu’il est établi pour servir la liberté ?

Qui a fait, en 1789, la Révolution ? — Le tiers état.

Qui s’est opposé, en 1789, à la Révolution ? — Le gouvernement.

Le gouvernement, malgré l’initiative qu’il avait été forcé de prendre, s’opposait si bien à la Révolution, en 1789, qu’il fallut, pour l’y contraindre, appeler la nation aux armes. Le 14 juillet fut une manifestation où le peuple traîna le gouvernement à la barre, comme une victime au sacrifice. Les journées d’octobre, les fédérations de 90 et 91, le retour de Varennes, etc., ne furent qu’une répétition de cette marche triomphale qui aboutit au 21 janvier.

Certes, je suis loin de prétendre que le peuple, qui vou-