Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/81

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égard à prendre d’initiative. C’est au développement spontané des mœurs, à la civilisation générale, à ce que j’appellerai la Providence humanitaire, de modifier ce qui peut être modifié, d’apporter les réformes que le temps seul révèle. Et voilà, pour le dire en passant, ce qui a empêché le divorce de s’établir en France. Après de longues et sérieuses discussions, après une expérience de quelques années, le législateur a dû reconnaître qu’une question aussi délicate et aussi grave n’était pas de son ressort ; que le temps était passé pour nous où le divorce aurait pu entrer dans nos institutions sans danger pour la famille et sans offense pour les mœurs, et qu’en voulant trancher ce nœud, le gouvernement courait le risque de dégrader précisément ce qu’il voulait ennoblir[1].

Je ne suis suspect de faiblesse superstitieuse et de préjugés religieux d’aucune sorte : je dirai pourtant que la religion est, comme le mariage, non pas chose réglementaire et de pure discipline, mais chose organique, par conséquent soustraite à l’action directe du pouvoir. Il appartenait, telle est du moins mon opinion, à l’ancienne Constituante, en vertu de la distinction du spirituel et du temporel, admise dès longtemps dans l’Église gallicane, de régler le temporel du clergé et de refaire les circonscriptions épiscopales ; mais je nie que la Convention eût le droit de fermer les églises. Je reconnais d’autant moins à l’autorité commu-

  1. Sur la question du divorce, la meilleure solution est encore celle de l’Église. En principe, l’Église n’admet point que le mariage, régulièrement contracté, puisse être dissous ; mais, par une fiction de casuistique, elle déclare, en certains cas, qu’il n’existe point, ou qu’il a cessé d’exister. La clandestinité, l’impuissance, le crime emportant mort civile, l’erreur sur la per-sonne, etc., sont pour elle, comme la mort, autant de cas de diremption du mariage. Peut-être serait-il possible de satisfaire également aux besoins de la société, aux exigences de la morale et au respect des familles, en perfectionnant cette théorie, sans aller jusqu’au divorce, au moyen duquel le contrat de mariage n’est plus en réalité qu’un contrat de concubinage.