Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

valle, et cela hautement, hardiment, sauf à en répondre sur nos têtes, l’initiative des vastes réformes à accomplir, réserve faite pour l’Assemblée nationale du droit de raffermir ensuite, ou de renverser notre œuvre d’une main souveraine. »

On voit, sans que j’aie besoin d’en faire la remarque, que les arguments de Louis Blanc pour prendre la dictature sont exactement les mêmes que ceux dont les républicains honnêtes et modérés se sont servis après lui pour légitimer deux fois de suite l’état de siége, donner la dictature au général Cavaignac, porter à la présidence Louis Bonaparte, déclarer les socialistes ennemis de la société, et créer, sous la République, un despotisme tel, qu’on serait tenté de regarder comme un libérateur le premier prétendant qui prendra la couronne. Où peut aller une nation, quand amis et ennemis sont sûrs de la magnétiser tour à tour avec les mêmes phrases ?

« Mon opinion se trouva conforme à celle du peuple de Paris... J’appris au Luxembourg, plusieurs jours avant le 17 mars, que le peuple de Paris se disposait à faire une imposante manifestation, dans le double but d’obtenir l’ajournement des élections et l’éloignement des troupes qui occupaient encore Paris. »

Ce que dit Louis Blanc de l’éloignement des troupes est vrai. Le peuple le demandait avec instance : seulement Louis Blanc ne s’aperçoit pas que ce second motif contredit l’autre. Qu’était-ce, en effet, pour le peuple que l’éloignement des troupes ? Le désarmement du pouvoir, l’impuissance du gouvernement. Le peuple, quand il est livré à son seul instinct, voit toujours plus juste que lorsqu’il est conduit par la politique de ses meneurs : il sentait, et c’était pour lui un vieux dicton, que le gouvernement n’est jamais meilleur que lorsqu’il est sans vertu. Notre ennemi, c’est