Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/13

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fulminé ses mercuriales. La comédie à son tour a fait semblant d’agiter ses grelots. Qu’accusent cependant l’organe officiel, et la justice, et le théâtre ? le jeu, rien que le jeu. Mais, messieurs,

Le jeu ne produit pas de si puissants efforts.

Nous ne serions pas si malades si nous n’avions à nous reprocher que cette peccadille. Disons la vérité.

Au spectacle de quelques fortunes subites, inattaquables peut-être au point de vue d’une légitimité incomplète, mais parfaitement illégitimes devant la conscience, et jugées telles, s’est ébranlée la multitude des âmes faibles, en qui la soif du bien-être avait marché plus vite que le sens moral.

Une conviction s’est formée dans le silence universel, sorte de profession de foi tacite, qui a remplacé pour les masses les anciens programmes politiques et sociaux :

« Que de toutes les sources de la fortune, le travail est la plus précaire et la plus pauvre ;

« Qu’au-dessus du travail, il y a, d’abord le faisceau des forces productrices, fonds commun de l’exploitation nationale, dont le gouvernement est le dispensateur suprême ;

« Qu’ensuite vient la Spéculation, entendant par ce mot l’ensemble des moyens, non prévus par la loi ou insaisissables à la justice, de surprendre le bien d’autrui ;

« Que du reste, l’économie des sociétés n’est, d’après les définitions des auteurs en crédit, qu’un état d’anarchie industrielle et de guerre sociale, où les instruments de production servent d’armes de combat ; où chaque propriété, privilége, monopole, tient lieu de place forte ; où le droit et le devoir sont indéterminés de leur nature, la