Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/191

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ment, ne s’est plus complètement incarné ; l’art de lever des primes et des contributions y est poussé aux plus extrêmes limites. D’après une statistique fort modérée du journal l’Estafette, les subventions des départements et des communes ainsi que le casuel ne montent pas à moins de 48 millions et demi, qui, joints aux 36,485,000 fr. du budget, forment un revenu fixe de plus de 85 millions par an. Mais le journal ne comprend pas dans ce chiffre les contributions des congrégations pieuses : œuvre de la Miséricorde, œuvre de la Compassion, œuvre de Saint-François-Xavier, œuvre de Saint-François-Régis, œuvre du Sacré-Cœur de Marie, du Sacré-Cœur de Jésus, œuvre de la Sainte-Enfance pour le rachat des petits Chinois, œuvre du Saint Rosaire, et mille autres œuvres dont les noms seuls rempliraient des pages. La Propagation de la foi compte des souscripteurs par millions, à un sou par semaine ; de pauvres vieilles femmes, trop pauvres pour payer cette mince rétribution, se réunissent à quatre ou cinq, donnant chacune leur pauvre liard, alléchées par la promesse d’indulgences temporelles et plénières portées en déduction de leurs vieux péchés. Et les biens des communautés, et les donations, et les fidéi-commis ; puis les quêtes par les jolies femmes à qui la galanterie ne permet pas de refuser ; les pièces d’or et d’argent collées aux cierges, les locations de chaises, les messes à grand orchestre, les pour-boire de bedeaux, suisses et sacristains……

« Il nous faut de l’argent, beaucoup d’argent, disait un prédicateur du mois de Marie, trois cent mille francs, pour élever à la Vierge une statue colossale au Puy. »

Un ecclésiastique de Paris, tranchant franchement la question, n’hésita pas, au commencement de l’année, à organiser par actions l’exploitation de l’église Saint-Eugène. La mise en commandite de la messe et des sacrements, sous les auspices d’un banquier juif : quelle naïveté !… L’intervention de l’archevêque fit cesser le scandale : nous n’avons point entendu dire que le curé spéculateur ait quitté la paroisse.

Cependant la foi est-elle ardente ? La religion fleurit-elle