Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/239

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L’encaisse métallique ne va souvent pas au quart du papier en circulation ; cependant les porteurs n’en conçoivent aucune inquiétude.

Seulement il y a des moments de panique où tout le monde perd la tête ; les conseils de la prudence deviennent alors inutiles, car la peur n’écoute rien. En revanche, une mystification, rendue nécessaire, suffit à ramener le calme.

Ainsi, en 1846-47, la diminution de l’encaisse jette l’alarme dans le monde commerçant. Que fait la Banque ? Elle échange ses rentes contre des lingots et des espèces ; elle entasse à grands frais des métaux dans ses caves ; en un mot, elle change la nature de son capital sans verser un écu de plus dans la circulation, et la confiance renaît comme par enchantement.

En 1848, les demandes de remboursement affluent à la caisse ; le papier tombe en dépréciation ; tout le monde exige des espèces ? Qu’imagine la Banque ? Elle demande et obtient le cours forcé. Soudain, la peur se dissipe, les trembleurs se rassurent. Les billets s’acceptent partout au pair ; quelques mois après, on les recherche à prime. Les espèces rentrent dans les coffres avec une rapidité effrayante ; bientôt elles sont au niveau du papier en circulation ; encore un peu, elles le débordent.

Voilà la Banque dans la situation la plus favorable : elle est en mesure de rembourser tous ses billets ? — Point du tout, la position est détestable au contraire ; c’est une crise commerciale, une stagnation dans les affaires. Ce phénomène du moins trouve son explication. La quantité des échanges diminuant, le supplément de circulation offert par le crédit devient inutile. La banque de circulation n’est plus qu’une banque de dépôt.

Mais, sans la condition de remboursement, où se trouve le gage des billets ?

Il n’est ni dans l’encaisse métallique, ni dans le fonds de réserve, ni dans le capital meuble ou immeuble ; ce gage, c’est le portefeuille.

Toute émission de billets ou d’espèces est précédée de l’encaissement d’une valeur supérieure en effets de commerce.