Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/108

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ont habillé quelques soldats, réparé une vieille citadelle, érigé à leur orgueil quelque coûteux et chétif monument ; puis ils ont tiré un feu d’artifice et dressé un mât de cocagne : qu’est-ce que cela, en comparaison de ce que je perds ?

L’acquéreur plante des bornes, se clôt et dit : Ceci est à moi, chacun chez soi, chacun pour soi. Voici donc un espace de territoire sur lequel désormais nul n’a droit de poser le pied, si ce n’est le propriétaire et les amis du propriétaire ; qui ne peut profiter à personne, si ce n’est au propriétaire et à ses serviteurs. Que ces ventes se multiplient, et bientôt le peuple, qui n’a pu ni voulu vendre, qui n’a pas touché le prix de la vente, n’aura plus où se reposer, où s’abriter, où récolter : il ira mourir de faim à la porte du propriétaire, sur le bord de cette propriété qui fut son héritage, et le propriétaire le voyant expirer dira : Ainsi périssent les fainéants et les lâches !

Pour faire accepter l’usurpation du propriétaire, M. Ch. Comte affecte de rabaisser la valeur des terres au moment de la vente.

« Il faut prendre garde de s’exagérer l’importance de ces usurpations : on doit les apprécier par le nombre d’hommes que faisaient vivre les terres occupées, et par les moyens qu’elles leur fournissaient. Il est évident, par exemple, que si l’étendue de terre qui vaut aujourd’hui mille francs ne valait que cinq centimes quand elle fut usurpée, il n’y a réellement que la valeur de cinq centimes de ravie. Une lieue carrée de terre suffisait à peine pour faire vivre un Sauvage dans la détresse : elle assure aujourd’hui des moyens d’existence à mille personnes. Il y a neuf cent quatre-vingt-dix-neuf parties qui sont la propriété légitime des possesseurs ; il n’y a eu d’usurpation que pour un millième de la valeur. »

Un paysan s’accusait en confession d’avoir détruit un acte par lequel il se reconnaissait débiteur de cent écus. Le confesseur disait : Il faut rendre ces cent écus. — Non, répondit le paysan, je restituerai deux liards pour la feuille de papier.

Le raisonnement de M. Ch. Comte ressemble à la bonne