Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/113

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sciences et de la diffusion des lumières, que de l’habileté des laboureurs. Ainsi, quelques travailleurs à réunir à la masse des propriétaires ne seraient pas un argument contre la propriété.

Ce serait en effet recueillir de ce débat un fruit bien maigre, si nos efforts n’aboutissaient qu’à étendre le privilége du sol et le monopole de l’industrie, en affranchissant seulement quelques centaines de travailleurs sur des millions de propriétaires : mais ce serait aussi comprendre bien mal notre propre pensée, et faire preuve de peu d’intelligence et de logique.

Si le travailleur, qui ajoute à la valeur de la chose, a droit à la propriété, celui qui entretient cette valeur acquiert le même droit. Car, qu’est-ce qu’entretenir ? c’est ajouter sans cesse, c’est créer d’une manière continue. Qu’est-ce que cultiver ? c’est donner au sol sa valeur de chaque année ; c’est par une création, tous les ans renouvelée, empêcher que la valeur d’une terre ne diminue ou ne se détruise. Admettant donc la propriété comme rationnelle et légitime, admettant le fermage comme équitable et juste, je dis que celui qui cultive acquiert la propriété au même titre que celui qui défriche et que celui qui améliore ; et que chaque fois qu’un fermier paye sa rente, il obtient sur le champ confié à ses soins une fraction de propriété dont le dénominateur est égal à la quotité de cette rente. Sortez de là, vous tombez dans l’arbitraire et la tyrannie, vous reconnaissez des priviléges de castes, vous sanctionnez le servage.

Quiconque travaille devient propriétaire : ce fait ne peut être nié dans les principes actuels de l’économie politique et du droit. Et quand je dis propriétaire, je n’entends pas seulement, comme nos économistes hypocrites, propriétaire de ses appointements, de son salaire, de ses gages ; je veux dire propriétaire de la valeur qu’il crée, et dont le maître seul tire le bénéfice.

Comme tout ceci touche à la théorie des salaires et de la distribution des produits, et que cette matière n’a point encore été raisonnablement éclaircie, je demande permission d’y insister ; cette discussion ne sera pas inutile à la