Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/120

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ce que la force d’un seul, répétant son effort pendant un million de siècles, n’accomplirait pas : le marché est il équitable ? Encore une fois, non : lorsque vous avez payé toutes les forces individuelles, vous n’avez pas payé la force collective ; par conséquent, il reste toujours un droit de propriété collective que vous n’avez point acquis, et dont vous jouissez injustement.

Je veux qu’un salaire de vingt jours suffise à cette multitude pour se nourrir, se loger, se vêtir pendant vingt jours : le travail cessant après ce terme expiré, que deviendra-t-elle, si, à mesure qu’elle crée, elle abandonne ses ouvrages à des propriétaires qui bientôt la délaisseront ? Tandis que le propriétaire, solidement affermi, grâce au concours de tous les travailleurs, vit en sécurité et ne craint plus que le travail ni le pain lui manquent, l’ouvrier n’a d’espoir qu’en la bienveillance de ce même propriétaire, auquel il a vendu et inféodé sa liberté. Si donc le propriétaire, se retranchant dans sa suffisance et dans son droit, refuse d’occuper l’ouvrier, comment l’ouvrier pourra-t-il vivre ? Il aura préparé un excellent terrain, et il n’y sèmera pas ; il aura bâti une maison commode et splendide, et il n’y logera pas ; il aura produit de tout, et il ne jouira de rien.

Nous marchons par le travail à l’égalité ; chaque pas que nous faisons nous en approche davantage ; et si la force, la diligence, l’industrie des travailleurs étaient égales, il est évident que les fortunes le seraient pareillement. En effet, si, comme on le prétend et comme nous l’avons accordé, le travailleur est propriétaire de la valeur qu’il crée, il s’ensuit :

1o Que le travailleur acquiert aux dépens du propriétaire oisif ;

2o Que toute production étant nécessairement collective, l’ouvrier a droit, dans la proportion de son travail, à la participation des produits et des bénéfices ;

3o Que tout capital accumulé étant une propriété sociale, nul n’en peut avoir la propriété exclusive.

Ces conséquences sont irréfragables ; seules elles suffiraient pour bouleverser toute notre économie, et changer