Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/167

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du fermage reste donc, pour eux comme pour le reste des travailleurs, une non-valeur, et périt entre leurs mains. Étendez l’hypothèse, multipliez le nombre et les espèces des produits, vous ne changerez rien au résultat.

Jusqu’ici j’ai considéré le propriétaire comme prenant part à la production, non pas seulement, comme dit Say, par le service de son instrument, mais d’une manière effective et par le travail de ses mains : or, il est facile de voir qu’à de pareilles conditions la propriété n’existera jamais. Qu’arrive-t-il ?

Le propriétaire, animal essentiellement libidineux, sans vertu ni vergogne, ne s’accommode point d’une vie d’ordre et de discipline ; s’il aime la propriété, c’est pour n’en faire qu’à son aise, quand il veut et comme il veut. Sûr d’avoir de quoi vivre, il s’abandonne à la futilité, à la mollesse ; il joue, il niaise, il cherche des curiosités et des sensations nouvelles. La propriété, pour jouir d’elle-même, doit renoncer à la condition commune et vaquer à des occupations de luxe, à des plaisirs immondes.

Au lieu de renoncer à un fermage qui périssait entre leurs mains et de dégrever d’autant le travail social, nos cent propriétaires se reposent. Par cette retraite, la production absolue étant diminuée de cent, tandis que la consommation reste la même, la production et la consommation semblent se faire équilibre. Mais, d’abord, puisque les propriétaires ne travaillent plus, leur consommation est improductive d’après les principes de l’économie ; par conséquent il y a dans la société, non plus comme auparavant cent de services non payés par le produit, mais cent de produits consommés sans service ; le déficit est toujours le même, quelle que soit la colonne du budget qui l’exprime. Ou les aphorismes de l’économie politique sont faux, ou la propriété, qui les contredit, est impossible.

Les économistes, regardant toute consommation improductive comme un mal, comme un vol fait au genre humain, ne se lassent point d’exhorter les propriétaires à la modération, au travail, à l’épargne ; ils leur prêchent la nécessité de se rendre utiles, de rapporter à la production