Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/176

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avec pleine certitude de rendre, certitude qui se réduit pour l’année suivante à un nouvel emprunt augmenté des intérêts du premier. À qui emprunte-t-il ? au propriétaire. Le propriétaire prête au travailleur ce qu’il en a reçu de trop ; et ce trop perçu, qu’il devrait rendre, lui profite à nouveau sous la forme de prêt à intérêt. Alors les dettes s’accroissent indéfiniment ; le propriétaire se lasse de faire des avances à un producteur qui ne rend jamais, et celui-ci, toujours volé, et toujours empruntant ce qu’on lui vole, finit par une banqueroute de tout le bien qu’on lui a pris.

Supposons qu’alors le propriétaire qui, pour jouir de ses revenus, a besoin du fermier, le tienne quitte : il aura fait un acte de haute bienfaisance pour lequel M. le curé le recommandera dans son prône ; tandis que le pauvre fermier, confus de cette inépuisable charité, instruit par son catéchisme à prier pour ses bienfaiteurs, se promettra de redoubler de courage et de privations afin de s’acquitter envers un si digne maître.

Cette fois il prend ses mesures ; il hausse le prix des grains. L’industriel en a fait autant pour ses produits ; la réaction a lieu, et, après quelques oscillations, le fermage, que le paysan a cru faire supporter à l’industriel, se trouve à peu près équilibré. Si bien, que tandis qu’il s’applaudit de son succès, il se trouve encore appauvri, mais dans une proportion un peu moindre qu’auparavant. Car, la hausse ayant été générale, le propriétaire est atteint : en sorte que les travailleurs, au lieu d’être plus pauvres d’un dixième, ne le sont plus que de neuf centièmes. Mais c’est toujours une dette pour laquelle il faudra emprunter, payer des intérêts, épargner et jeûner. Jeûne pour les neuf centièmes qu’on ne devrait pas payer et qu’on paye ; jeûne pour l’amortissement des dettes ; jeûne pour leurs intérêts : que la récolte manque, et le jeûne ira jusqu’à l’inanition. On dit : il faut travailler davantage. Mais d’abord l’excès de travail tue aussi bien que le jeûne ; qu’arrivera-t-il, s’ils se réunissent ? — Il faut travailler davantage ; cela signifie apparemment qu’il faut produire davantage. À quelles conditions s’opère la production ? Par l’action combinée du travail, des